La myrrhe : entre histoire, mythologie et religion
Ô la myrrhe, formidable résine odoriférante chargée de symboles et d’histoire ! L’Egypte l’a consacrée très tôt avec son parfum solide Kyphi, sorte d’encens sacré qu’on brûlait en l’honneur du dieu Rê. Quand une légende grecque raconte que Myrrha, fille de Cinyras, roi de Chypre, fût transformée en arbre par les dieux pour une relation incestueuse ; la gomme-résine n’étant autre que les larmes de la princesse. Enfin, la myrrhe c’est aussi une offrande que fit le roi mage Balthazar pour la naissance de Jésus.
plus de 37 espèces de myrrhe recensées en Afrique
Alors quand on parle de la Myrrhe, il y a forcément un lourd symbole. Et on pense d’abord à la Commiphora Myrrha, qui l’on trouve principalement dans la péninsule arabique ou en Somalie. Mais à l’heure où l’on écrit ces mots, il existe 37 espèces de commiphora recensées en Afrique dont l’immense majorité provient du Sud du continent (29 rien que pour la Namibie). Tout en sachant que la plupart de ces commiphora exsudent des résines qui ont du potentiel pour la fabrication d’extraits aromatiques.
sur les traces de la myrrhe de namibie
C’est donc le cas de la myrrhe de Namibie, ou myrrhe Omumbiri (Commiphora wildii) découverte récemment et récoltée pour le monde de la parfumerie depuis 2004. Elle est endémique au pays et se trouve plus précisément au cœur de la région du Kunene au nord-ouest de la Namibie. Sorte de petit arbuste épineux asséché, l’omumbiri craquèle pendant les périodes de forte chaleurs (d’octobre à janvier) et suinte la résine de myrrhe récoltée à mains nues par les femmes de la tribu Himba.
la récolte de la myrrhe de namibie
Il n’existe aucune culture de la myrrhe de Namibie. On se contente de cueillir chaque année ce que la nature nous offre, ni plus ni moins. Pas question donc d’exciser l’arbuste pour augmenter ses rendements (ce qui reviendrait inexorablement à les réduire pour les années à venir). Et depuis 2004, et la création d’une filière de développement par l’association IRDNC pour apporter un soutien financier à la Tribu Himba, ce sont les seuls habilités à récolter la matière.
un travail presque exclusivement féminin
Les Himbas sont des pasteurs semis-nomades qui subviennent aux besoins de la communauté grâce à l’élevage de bétail, essentiellement des vaches rousses et des chèvres. Mais pendant les périodes de très forte chaleur, entre novembre et janvier, le désert du Kaokoland est très pauvre en nutriment et les bêtes ne peuvent pas être nourries convenablement pour être vendues. Aussi, la récolte de la myrrhe permet d’apporter les revenus nécessaires pour acheter de la nourriture aux animaux et subvenir aux autres besoins de la communauté. C’est un travail presque exclusivement féminin, puisque traditionnellement les hommes s’occupent du troupeau. Elles partent tôt le matin, souvent accompagnée de leurs bébés pour récolter sur les Commiphora les gouttes de résine de myrrhe.
la vente de la myrrhe
Une fois la journée de récolte terminée, les femmes trient la myrrhe (elles en gardent des morceaux pour leurs soins corporels) puis ramènent le reste dans la coopérative créée à cet effet pour le revendre. Chacune revend sa récolte en son nom, la myrrhe est pesée, la zone de récolte et le nom de la récoltante sont notées, et cette dernière récupère la valeur marchande de sa myrrhe omumbiri (le prix de vente est fixé avec et dans l’intérêt des Himbas).
Utilisation chez les himbas
Dans la tribu Himba, la myrrhe de Namibie est un ingrédient incontournable à la confection d’une crème de beauté parfumée, une lotion DIY que chaque femme apprend à maîtriser. La myrrhe est mélangée avec la crème de lait de leurs vaches (conservée dans une corne) et de l’hématite réduite en poudre (une pierre rouge magnifique que les femmes vont chaque mois extraire des carrières). Les femmes de la tribu ainsi que les enfants s’enduisent chaque jour cette crème sur le corps et les cheveux. Pour repousser les très nombreux insectes, se protéger du soleil mais aussi et surtout comme crème de beauté. Cette belle couleur rousse, c’est surtout pour ressembler à leurs vaches, et c’est d’ailleurs le plus beau compliment qu’on puisse faire à une femme Himba. A ne pas reproduire chez vous.
La myrrhe en parfumerie
La myrrhe de Namibie n’a été découverte que très récemment et, à notre connaissance, il n’existe aucune archive quant à des utilisations plus anciennes de la matière. Aussi et depuis 2004, la matière est transformée en huile essentielle pour la confection de parfums notamment parce que sa fragrance rappelle l’odeur caractéristique de la térébenthine.
utilisation en aromathérapie
Pour le moment, il n’existe pas d’autre utilisation courante de la myrrhe de Namibie. Transformée en huile essentielle, la myrrhe de Namibie est particulièrement riche en alpha et béta-pinène. Les deux molécules étant réputées pour leurs propriétés antibactériennes, antifongiques et antivirales, elle aurait un très gros potentiel en aromathérapie.
Après le santal vient la myrrhe
L’histoire commence en 2007. A l’époque, nous étions les seuls à ne commercialiser qu’une seule matière (le Santal Spicatum). Les parfumeurs ont commencé à nous soumettre l’idée d’étoffer notre gamme. Nous n’étions pas encore sourceurs, mais plutôt représentants d’une filière. Et on n’avait pas franchement réfléchi à l’opportunité de le devenir. Mais une rencontre allait définitivement changer notre vie.
la filière de la myrrhe de namibie
En avril 2007, on s’est rendu au salon de la cosmétique. Arrivés sur les lieux, on a croisé un peu par hasard Karen, une namibienne formidable et attachante, chargée de la protection de la biodiversité et des ethnies qui peuplent la région du Kaokoland, au nord-ouest de la Namibie. On a tout de suite sympathisé. Elle nous a parlé de la tribu Himba et du programme qu’elle venait de mettre en place avec son association Integrated Rural Development and Nature Conservation (IRDNC). En collaboration avec le gouvernement, la mission a pour objectif de leur offrir des opportunités de cultiver une espèce de Myrrhe endémique à la région et provenant d’un petit arbuste nommé l’Omumbiri (ou Commiphora Wildii). On a été subjugué par son travail. Le rendez-vous était pris.
En décembre, on a décollé pour Windhoek où Karen nous attendait. Sans perdre de temps elle nous a directement emmené à la rencontre des Himbas qui nous accueillaient généreusement dans la tribu pour la semaine. Connue depuis le XVe siècle et originaire des rives du Nil en Egypte, la communauté Himba a longtemps été nomade, voyageant au gré des saisons dans toute l’Afrique Australe. Ethnie de chasseurs cueilleurs, leur culture aux antipodes du monde occidental leur a valu d’être chassé de nombreux pays ces dernières années, notamment d’Angola, avant que la Namibie accepte de les accueillir dans le Kaokoland, près du fleuve Kunene, au nord-ouest du pays.
la myrrhe omumbiri, l’or des himbas
Depuis 2007, entre novembre et décembre (ce qui correspond aux périodes de fortes chaleurs) plus de 600 membres de la communauté Himba gagnent entre 80 et 400€ grâce à la récolte et la transformation de la résine produite par l’Omumbiri. C’est un travail presque exclusivement féminin, les hommes s’occupant du bétail invendable en ces saisons de sécheresse. En raison de leur éloignement à la société, ces revenus sont fondamentaux pour nourrir la communauté et le bétail tout en fournissant les soins au village. Une initiative magnifique que nous soutenons depuis notre premier voyage namibien et qui n’est pas prête de s’arrêter.
sites web
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Myrrhe
- http://www.jangal-films.com/portfolio-item/1160/
- https://www.irdnc.org.na/where-we-work.html
- https://www.irdnc.org.na/pdf/IRDNC-Lessons-from-the-Field.pdf
derrière la caméra
« Sur la Piste des senteurs » Episode 1 : Namibie la myrrhe des Himbas
Production : Flair Production, TV5 Monde, Ushuaïa TV
Réalisation : Daniel Serre
dans les bouquins
- Journal d’un anosmique, « Namibie » par Stéphane Piquart & Albin de La Simone
- Ke-Nako (Il est temps), BD publiée chez Expression Cosmétique, Dessin de Jef, Histoire de Stéphane Piquart